Une bonne odeur de cassoulet au chien de prairie faisandé commençait à se répandre dans le camp.
Près d’un feu, Stan-bouffeur-de-chat-sauvage touillait le contenu d’une grande marmite en se servant d’une longue cuiller en bois quand N-T-M-B-C-Alex s’approcha.
Il prit la cuiller des mains de Stan, la plongea dans la marmite et la ressortit remplie de trucs indéfinissables mais d’aspect quand même assez pourrave, …. il en observa le contenu, le huma et le goûta …. C’était le chef et ça s’voyait qu’il s’y connaissait …
- Mmmmh !

C’est un peu fade, t’as pensé à mettre des moules de rivière ?
-

Ben oui, comme d’hab. …..
- …. Et des chaglattes de vautour ?
- Ouais …..
-

Deux ou trois croupions d’chouette ? (miam miam)
- Ah, non, tiens, ça j’avais oublié ! …..
- Mouais …. y manque quand même quelque chose, ……

…..j’vais rajouter des pâtes !
-

Quoi ? dans l’cassoulet ? des pâtes ?
- Des pâtes, oui, mais des spatzoni !
-

……
-

Ta pitance est extrême ! jubila Willaugh qui passait par là.
Mais Alex ne l’avait pas entendu car il était aussitôt parti en courant, et quelques instants après déjà de retour l’air tout content avec un grand sachet de pâtes alphabet qu’il déversa en pluie dans la marmite sous le regard éberlué de Stan.
Yann-qui-atomise-les-bisons se tourna vers son compagnon emplumé :
- Dis-donc,

au fait, Of-the-knee, t’es vraiment un Grey-Nose, toi ?
-

Quoi ? , moi, pas un Grey-Nose ? …….. mais pourquoi tu dis ça, enfoiré d’blanc-bec ?, putin, ça va saigner !
- Ben, ……. chais pas …….. une impression ……. nan, laisse tomber ….
……………………………………………………………………………………………………………………………..
Ouvrons ici une courte parenthèse historico-culturelle.
L’affiliation aux Grey-Noses du légendaire guerrier Of-the-knee a soulevé bien des controverses dans la communauté scientifique, et ce cas difficile a longtemps été débattu sans grand succès par des spécialistes en ethno-morphologie des populations amérindiennes.
Faisons aujourd’hui le point pour essayer d’y voir plus clair à la lumière des dernières avancées de la science et d’un document authentique, une très ancienne photo dudit guerrier.
Il semblerait, je dis bien il semblerait, en particulier après une étude approfondie de ce portrait, qu’Of-the-knee soit effectivement un Grey-Nose, mais qui descendrait non pas, comme d’aucun l’ont cru, de la branche syphilitique des anciens Grey-Noses de l’Idaho, mais bel et bien d’une branche alcoolique de la banlieue sud de Paris, massy-palaisienne pour être précis, qui aurait ultérieurement émigré dans le Montana.
Pour les passionnés d’Histoire

, j’ajouterais que cette émigration trouve son origine dans la déception sentimentale d’une certaine Colette Prenduron, bonne sœur de son état, qui décida un jour de quitter l’Europe avec armes et bagages.
Fraîchement débarquée chez les sauvages, cette lointaine ancêtre d’Of-the-knee rencontra rapidement un moine missionnaire, monté à peu d’chose près comme son canasson

et accessoirement obsédé total (il parait que ce type attrapait la trique à la seule vue d’une statuette en plâtre de la Vierge ..) , et elle en tomba éperdument amoureuse.
La vaillante ex bonne sœur étant prise multi-quotidiennement et dans tous les sens

par son fougueux amant donna naissance à une nombreuse descendance parmi laquelle figure donc en bonne place le fameux Of-the-knee.
Une remarque en passant : c’est depuis cette époque qu’on peut noter un début de transmission orale de certaines expressions et blagues typiques chez cette lignée de Grey-Noses car Colette, tout en étant comblée, répétait parait-il fréquemment à son mari un peu fruste et au sens de l’orientation déplorable des phrases du genre : « si tu continues, tu vas m’briser la rondelle, et ça va saigner.

»
Mais je m’aperçois que je suis peut-être passé un peu vite sur un point, non pas important, mais intéressant, et sur lequel je vais brièvement revenir, tenant compte du fait que je suis peut-être lu par quelques forumeuses

, qui sont bien sûr par nature plus sensibles aux aspects romantiques de cette petite histoire.
Et effectivement j’en aperçois deux ou trois qui se demandent anxieusement si je vais donner des précisions sur la fameuse déception sentimentale dont fut la victime Sœur Colette Prenduron avant de prendre ses cliques et ses claques pour foutre le camp d’Europe il y a plus de deux siècles de cela.
J’accèderai bien volontiers à votre demande, qui bien que muette est totalement justifiée.
Voici : A cette époque Colette était donc religieuse au couvent de Bourrzy-les-miches, non loin de la station balnéaire bretonne de Perros-Direct.
Or, un jour, elle eut l’opportunité de se rendre en délégation à Rome, afin d’y rencontrer en audience le Pape Paul 13.
Je passe les détails du voyage …. pourtant y’aurait à dire ….. mais bon, bref la voilà donc au jour tant attendu et folle de joie à l’idée de rencontrer le saint homme.
Saint homme certes, mais également bel homme parait-il, à tel point que Sœur Colette décida d’étrenner pour l’occase de chouettes bas-résilles et un soutif à balconnet suggestif d’un rouge vif et tout en dentelle.
Le problème c’est que dès qu’elle le vit, ce fut le flash, la foudre, l’amour quoi ….. voilà toute l’histoire : Sœur Colette Prenduron amoureuse folle du Pape Paul 13 : pas banal, hein ? ….. pas banal mais impossible évidemment …..
Malgré tout, on sait s’tenir à table et tout se passa bien, malgré un tantinet d’émoustillation, bien compréhensible, dans l’œil de Paul 13 lorsque celui-ci fit son discours (en latin, évidemment) à l’assemblée des nonnes en visite.
Oui, tout se passa bien, jusqu’au moment de partir et où n’en pouvant plus et donc outrepassant ses droits, Colette décida de s’adresser directement au saint Père. Elle était tellement troublée qu’elle lui posa une question un peu au hasard, comme ça venait.
- Heu, qu’est-ce que vous pensez d’la capote, monsieur Paul 13, heu chef, j’veux dire ?
(je signale aux dubitatifs qu’à l’époque les capotes existaient bel et bien mais pouvaient être par exemple en boyau d’mouton)
Paul 13 comprit l’affolement de Colette, et peut-être inspiré à ce moment par de mauvaises pensées

il se dit « après tout …. » . Et comme il était assez friand de tarte aux poils, il décida de lui proposer un rencard sibyllin en ce sens en lui murmurant à l’oreille et en latin qu’il aimerait bien diriger sa tête vers un endroit précis de son anatomie.
Malheureusement Colette n’était pas forte en latin, et elle cru entendre ceci :
- "Caput tuum in ano est."
Ce qui signifiait approximativement : "T’as la tête dans l’cul."
Evidemment elle le prit très mal, tourna immédiatement les talons, et, le cœur brisé décida illico tout laisser tomber et de partir très loin, dans le nouveau Monde.
........................................................
Bien, donc voilà en résumé où on en est à propos de Of-the-knee, mais le sujet est vous le constatez loin d’être définitivement clos.
Aussi, pour vous permettre de vous faire votre propre opinion sur son appartenance ou non à l’illustre tribu des Grey-Noses, je vous joins une copie de la photo en question, que j’ai évidemment retouchée pour préserver l’anonymat du grand guerrier.

Y'a qu'un seul chemin, c'est la ligne droite.
L'année dernière j'étais encore un peu prétentieux, mais cette année je suis parfait. (F.D)
Ca baigne.