par Yann » 02 Juil 2008 09:01
Il n'est pas question d'inspiration divine ici. Comme je l'ai dit un peu plus haut, on écoute plein de choses et tout ça rentre dans notre cerveau, subit un processus de digestion plus ou moins rapide, et ça devient un grand chaos dans lequel on puise ou on crée des séquences mélodiques. Comme avec les phrases que l'on entend et qui forgent notre façon de parler, accent et vocabulaire compris. Comme le disait ma grand-mère, on est ce que l'on mange. C'est comme l'eau de source qui jaillit du sol après un long processus de transformation sous-terrain après être tombée du ciel. A la fin, c'est de la physique, on a le cycle de l'eau, le cycle du carbone, de l'azote, et on a le cycle de la pensée donc de la musicalité. On peut même parler de recyclage parfois tout ce processus est conscient mais alors, on est dans l'univers des plans, ces petits bouts de musique qui ne passent pas par l'émotionnel avant de ressortir. L'émotionnel, parlons-en tiens. Pourquoi dit-on que la musicalité est liée au monde des émotions ? Je crois que c'est tout simplement dû au fait que lorsque l'on entend telle ou telle mélodie, elle arrive dans un contexte émotionnel particulier, pendant des vacances au soleil, un jour de grand froid, le jour où l'on rencontre la femme de sa vie, le jour où le premier enfant naît, et qu'une fois ingérée, cette mélodie est digérée avec ses émotions associées. L'inconscient est une grosse boîte noire, on ne sait pas très bien ce qui se passe dedans mais toujours est-il qu'à un moment donné, parfois des années plus tard, telle ou telle émotion va être associée à un bout de musique et l'on ne sait plus pourquoi...
Jouer avec son coeur, ça signifie simplement jouer ce que l'on tire de son inconscient, comme l'écriture automatique mais appliquée à un instrument, de la même façon qu'enfants, on chantonne des mélodies sans y réfléchir, sans chercher à trop contrôler, en se laissant guider par son émotion du moment et en laissant exprimer ce qui y est associé.
Jouer des schémas, c'est conscientiser, rationnaliser, et donc se couper de ce qui est associé à la musicalité émotionnelle. Il peut y avoir un plaisir à jouer comme ça, de la même façon qu'on a du plaisir à résoudre un sudoku ou un casse-tête. L'auditeur peut avoir du plaisir émotionnel parce que les mélodies qu'il entend peuvent être associées à des émotions chez lui. Mais jouer des plans, ce n'est pas jouer ce que l'on est, c'est jouer ce que l'on a ou plus précisément ce que l'on voudrait que les autres pensent que l'on est, donc c'est un travestissement. Un tel travestissement peut être plus ou moins réussi, parfois ça fait complètement illusion et il est impossible de savoir que la mélodie n'est pas authentiquement une resurgence de ce que le musicien est vraiment. A la fin, le seul enjeu concerne le musicien et il consiste à avoir le courage de montrer aux autres ce que l'on est vraiment en jouant ce qui vient de l'intérieur, c'est-à-dire souvent quelqu'un de beaucoup plus fragile ou sensible que ce que l'on paraît. L'enjeu c'est l'authenticité dans le don de soi. Et personnellement, je crois que plus ou moins consciemment, les gens sont réceptifs à cette authenticité. C'est en ça que la musique peut devenir une philosophie de vie, un moyen de développement personnel, une spiritualité même (oh les gros mots!)...