J'ai retrouvé cet article qui date de 2012 ( désolé pour le copié collé un peu brut de décoffrage)
L'Alsace | Comment le jazz manouche a pris racine en terre alsacienne
https://www.lalsace.fr/actualite/2012/0 ... alsacienneComment le jazz manouche a pris racine en terre alsacienne
le 25/01/2012 à 05:00 par Textes : Olivier Brégeard Photos : Darek SzusterDerrière Biréli Lagrène, Tchavolo Schmitt et Mandino Reinhardt, nombre de jeunes musiciens
de la région entretiennent la flamme allumée par Django Reinhardt au milieu du siècle dernier.
S’il est une tradition musicale bien vivante en Alsace, c’est bien celle du jazz manouche.
A l’ombre du géant Biréli Lagrène, qui dépasse largement les frontières du genre (l’enfant de Soufflenheim est décrit par ses pairs
comme un « extraterrestre »), on dénombre quantité de guitaristes de talent et de renom :
Tchavolo Schmitt,
Mandino Reinhardt (à Strasbourg),
Mito Loeffler (à Zillisheim, disparu en novembre), mais aussi la relève assurée
par les fils de ce dernier,
Fleco et Zaïti,
Sébastien Kauffmann (dit « Le Chinois », à Cernay),
Lorendo Hoffmann
(à Kaltenhouse), et surtout Yorgui Loeffler (à Haguenau), qui tourne déjà dans le monde entier…
« Pour moi, l’Alsace est la terre de cette musique, même si Django Reinhardt n’est pas né ici », confie
l’accordéoniste Marcel Loeffler, autre pointure du genre (lire l’encadré). « Cette musique, on est né avec, on ne
peut pas s’en passer », résume pour sa part Sébastien Kauffmann, 25 ans.
Qu’ils soient du Bas-Rhin ou du Haut-Rhin (il y aurait entre 5 000 et 9 000 manouches sédentarisés dans la
région), tous ces musiciens se connaissent. Ils sont souvent cousins, plus ou moins éloignés. Ils donnent ensemble
des concerts, se retrouvent pour jouer dans des bars, dans des fêtes communautaires. La pratique de la musique
n’est pas systématique dans les familles, mais lorsqu’il n’est pas transmis de père en fils (comme ce fut le cas pour
Marcel Loeffler et Mandino Reinhardt), le désir de jouer est né d’une rencontre, d’une vision : Mito Loeffler fut
ébloui par Biréli Lagrène, Sébastien Kauffmann par Yorgui Loeffler…
Que leurs parents soient musiciens ou non, tous ont appris la guitare de la même manière : en écoutant les
enregistrements de Django Reinhardt et en s’acharnant à reproduire sa musique. « Avec mon frère Gigi, on s’était
lancé le défi d’apprendre un morceau nouveau chaque nuit, que l’on jouait à notre père à son réveil », se souvient
Yorgui Loeffler, 32 ans, qui a débuté sérieusement à l’âge de 15 ans seulement, après avoir écouté… du rap.
Django, c’est plus qu’une référence : la fierté de tout un peuple, quasiment un mythe fondateur. « C’est grâce à lui
que l’on est là, que l’on vit de cette musique », remarque Mandino Reinhardt, 55 ans. « C’est grâce à lui que l’on
parle aujourd’hui », lui fait écho Sébastien Kauffmann.
« Django a fait la synthèse du jazz musette, du jazz américain de l’époque, et de la tradition tzigane des Balkans,
rappelle Yves Schmitt, producteur de groupes de la région et manager de Yorgui Loeffler. C’est l’exemple unique
d’un style inventé par un seul homme et récupéré par toute une communauté. »
Cet héritage s’était néanmoins un peu perdu après-guerre, il était en tout cas moins visible. La musique de Django
a été redécouverte dans les années 1970 grâce au Schnuckenack Reinhardt Quintet, en Allemagne. L’Alsace
voisine – cousinages aidant ? – a ensuite repris le flambeau, en collant davantage au style originel (lire ci-dessous),
avec Dorado et Tchavolo Schmitt, et un Lagrène à peine germé (il est né en 1966).
La suite a été crescendo, avec d’abord la conquête des amateurs de jazz, puis celle du grand public, durant la
dernière décennie, à la faveur d’une mode lancée notamment par les chanteurs Sansévérino et Thomas Dutronc,
qui ont eu recours aux guitares manouches. Les 50 ans de la mort de Django Reinhardt (en 2003), puis les cent
ans de sa naissance (en 2010), ont également favorisé l’exposition de cette musique, dans les médias et dans le
cadre de nombreux festivals.
« Les Unes des magazines de guitare, ce n’était plus Hendrix ou Jimmy Page, mais Django ou Biréli, se souvient
Engé Helmstetter, 36 ans. Les jeunes se sont approprié ce truc, il y a eu une formidable émulation. Ça a aussi fait
travailler les groupes. Le mauvais côté, c’est que beaucoup ont pensé que le jazz manouche se résumait à
quelques clichés guitaristiques. »
Et si les manouches semblent désormais approuver la récupération de leur musique par des « Gadjé », ils ne
veulent pas que les chanteurs de variété éclipsent leurs propres talents. Autre bémol, selon Mandino Reinhardt : «
On a vu apparaître des musiciens prodiges, mais tout le monde veut jouer vite, avec de moins en moins de
sensibilité. C’est comme une compétition… »
Aujourd’hui, la mode est un peu passée, mais ses effets semblent durables. Le public est devenu plus connaisseur,
les cours de guitare manouche restent très prisés. « Il y a une image de marque, les gens reconnaissent la valeur de
cette tradition », constate Engé Helmstetter, tout en soulignant que les Alsaciens subissent désormais une plus
grande concurrence, le genre s’étant mondialisé.
La mode a aussi permis « de jeter des ponts entre la culture des Gadjé et celle des manouches : il y a peut-être
davantage de compréhension aujourd’hui », estime encore le musicien de Barr. « C’était un pas vers les autres,
pour faire découvrir cette musique, donner du sens, casser les préjugés », abonde Mandino Reinhardt.
En Alsace, l’avenir du jazz manouche semble assuré, même si les jeunes de la communauté sont moins nombreux
à le pratiquer.
Quelle que soit la génération, les musiciens actuels se montrent sereins. « C’est une musique qui
marchera toujours : c’est le jazz le plus accessible au grand public », estime Marcel Loeffler. « C’est une musique
éternelle, renchérit Sébastien Kauffmann. Tout le monde a envie d’en jouer. » Là-haut, dans les nuages, Django
peut continuer à rêver tranquille.