Le raciste, c'est l'autre, moi yabon. Voilà un autre sujet de philo.
"Un noir peut il être raciste"? c'est pas raciste comme question

. Un peu comme le "racisme à l'envers" anti-blanc version front, comme si il n’y avait pas qu' un racisme à l'endroit de ceux qui en font l'objet.
Pour Miles, son autobiographie est intéressante. On y lit une histoire du jazz de Parker à naguère, avec entre autres les battles entre musiciens (partage mouarff), les trompettes au clou pour payer la came, les brimades policières dans l' amérique ségrégationniste, les portraits à son gré des grands du jazz avec qui il a travaillé, Parker, Gillespie, Monk, Coltrane, Gil Evans, Jo Jones, Shorter etc....
Raciste, hors contexte ça peut s'interpréter comme ça. Si on prend en compte le contexte de l'Amérique ségrégationniste au jour le jour ou il a vécu tant d'années, on peut imaginer une posture de compensation. Miles était un fils de la petite bourgeoisie noire et pas un gars des rues grandi dans les bordels comme Armstrong, il était conscient de son talent et de l'exploitation par le bizzness blanc de la hype "noire", et ne se satisfaisait pas du tout du costume prêt à porter de bluesman maudit comme lot de consolation pour reconnaissance de son travail. Alors la provoc est une option. D'ailleurs, son admiration pour Gil Evans, sa reconnaissance de Bill Evans -entre autres- laisse deviner que le talent gagnait son respect pas selon la couleur.
Avec un ego très développé et une estime de soi en bandoulière pas de doute, les Ferrari les costards hors de prix extravagants pour le fun et faire chier l'establishment en le snobant, la passion de la boxe -Ray Sugar Robinson était son idole- dont il comparait l'exigence à celle nécessaire pour pratiquer la musique, le respect admiratif pour Monk parce que...c'était un colosse capable d'assumer un boeuf à coup de poings et qu'il n'aurait pas aimé avoir affaire à lui
Si ses commentaires sur ses confrères lui réservent souvent le beau rôle, il sait faire des exceptions pour reconnaitre le talent de ceux qu'il admire vraiment. Marrant aussi de voir comment Miles Davis, via l'influence d' Hendrix qui le bluffait totalement, est celui qui a donné une place importante à la guitare dans le jazz, là ou ce n'était qu'un instrument finalement secondaire quelque soit le talent de ses maitres avant les années 60.
Pour l'avoir vu sur scène, son attitude était singulière, effectivement il pouvait jouer le dos au public, mais son implication envers ses musiciens était toujours intense dans le concert sous la morgue apparente. Par exemple, je me souviens que pendant un chorus du saxophoniste (Bill Evans il me semble, oui le sax pas le pianiste), Miles a traversé la scène pour le prendre par le bras et le faire bouger de 2 mètres, puis d'un autre mètre en ne le lâchant pas des yeux pendant un bon moment, comme n'étant pas satisfait et voulant le déstabiliser pour qu'il sorte de ses automatismes. Et restant les yeux plantés tête contre tête quasiment avec Foley, bassiste qui jouait des chorus de guitare hendrixiens...à la basse (il y avait un autre bassiste dans le groupe pour tenir le rôle traditionnel) semblant là totalement en phase avec le chorus de Foley, rien d'affecté. Qu'un boss d'orchestre soit aussi concerné par ce que donnent ses musiciens est une forme de respect de l'instant et donc du public présent d'une certaine manière.
Après un type bien ou pas, je ne l’ai pas connu et les on-dit… sûrement un gars pas facile, mais au-delà des apparences communes, le vrai talent partagé avec le monde est une offrande faite à tous, c’est déjà ça. Ca fait pas forcément un gars fréquentable dans sa propre famille, mais y a plein de gens sympa en société qui ne savent pas si leur grand-mère va bien.
Enfin bref, intéressant ce bouquin, que je n'ai plus d'ailleurs depuis longtemps, je le relirais bien.
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« Que les gens viennent me demander de jouer des trucs comme My Funny Valentine parce que c'est ce qu'ils entendaient pendant qu'ils baisaient une super-fille et que ça leur avait fait plaisir à tous les deux, je le comprends. Mais je les envoie s'acheter le disque. Je n'en suis plus là, et je dois vivre pour faire ce qui est bon pour moi, pas pour eux. »
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Miles: tu joues bien Coltrane, mais tes chorus sont interminables et ça déséquilibre l’orchestre
Coltrane: mais Miles, c’est que je n’arrive pas à m’arrêter
Miles: C’est pourtant simple, tu n’as juste qu’à retirer ce putain de saxophone de ta putain de bouche.
(à peu près...
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