Taguieff rappelle aussi que la judéophobie (l'ancienne, mais au XIX° siècle, elle était nouvelle et différente de celle d'un Voltaire) peut s'exprimer dans une critique de la banque, de l'argent et du capitalisme naissant: c'est le cas chez Charles Fourier, Pierre Leroux ou PJ Proudhon, c'est-à-dire à la racine de la fondation de ce que l'on appelle la “gauche” (ce qui, soit dit en passant, explique, entre autres facteurs, un certain nombre de parcours dans les années 30 du XX° siècle, comme celui de Doriot).
Cette ancienne judéophobie a, pour ainsi dire, “rencontré” le nouvel antisémitisme (d'alors), dans sa forme (prétendue) scientifique et raciale (ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que tous les “judéophobes” de l'époque soient devenus hitlériens (Céline, par ex., l'était à l'extrême, mais il y a toutes les positions et tous les degrés).
Évidemment, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, l'antisémitisme a été condamné: or il a historiquement été lié au pétainisme, et à une partie de la droite (qui se souvient encore des épurations antisémites menées par Staline tout au long de son règne?). Il n'en demeure pas moins que la “logique des idées” demeure et que la “nouvelle judéophobie” (appellation “douce” à laquelle certains préfèrent celle de “nouvel antisémitisme”) existe bel et bien: Taguieff et d'autres en trouvent des cas derrière un antisionisme de façade (voir les travaux comme La Judéophobie des Modernes, qui doit dater de 2008 je crois). Le plus difficile étant évidemment que l'antisionisme radical peut être antisémite, et flirter, voire plus avec certains mouvements proches de tendances terroristes et meurtrières, sans que pour autant le soit toute critique du sionisme ou de la situation internationale…
Quoi qu'il en soit, il me semble difficile de savoir s'il y a autant ou plus ou moins d'antisémites à gauche qu'à droite (je ne connais pas d'études probantes sur ce point dans la littérature de sciences politiques récente): il y en a, c'est certain, mais pour ce que j'en ai compris, ce ne sont pas tout à fait les mêmes qu'à droite, ni exactement les mêmes qu'avant.
Cdlt